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Le cheval et le muscicapide (1)

Samedi 26 Septembre 2020

​Communiqué du Réseau citoyen du Cercle Normand de l'Opinion



Tout de fougue et de puissance contenue, solidement arqué sur mon arrière-train, je trône sur cette place de Rouen. À mon ombre tutélaire, depuis 155 ans, les Rouennais jouent, posent pour une photo ou défilent. Aussi grands soient-ils, lorsque, levant la tête, ils tournent les yeux vers mon profil, ils voient mal le cavalier mais admirent le cheval.

Beaucoup ignorent que, au faîte de sa gloire, j’élève. La pollution urbaine, l’œuvre des pigeons, celle des experts pédagogues ont eu raison de l’auguste cavalier, au point qu’il est parfois confondu par quelques badauds avec le grand Conquérant, Guillaume le Normand.

 

Cependant, le babil d’un rossignol ambitieux a fait parler de nous à l’occasion de soins qui nous sont prodigués pour panser l’outrage des ans.

S’inspirant sans doute d’une blague de Coluche, le piaf, en effet, voudrait nous envoyer jouer au water-polo en notre nouvel exil sur l’île Lacroix. Les Anglais, du moins, n’avaient pas déporté à Sainte-Hélène le cheval quand ils en firent la demeure de Napoléon. On dit qu’il y a une femme derrière ce coup du sort. Je laisse à d’autres le soin de commenter dans un demi-sourire cette étrange succession au cours de laquelle la plus belle conquête de l’homme est remplacée par l’érection de la statue de sa compagne.

Le muscicapidé local a affirmé qu’il serait formidable que Rouen soit la première ville en France à accueillir, place de la mairie, une statue ou une œuvre d’art dédiée à Gisèle Halimi, figure de la lutte pour le droit des femmes.

Je ne connais pas cette dame, mais en fier destrier, je ne distingue, comme frères et sœurs de lutte, que ceux qui ont risqué leur peau dans le combat. À cette aune, à Rouen, il n’y en a qu’une qui me paraisse digne d’être triomphalement hissée sur ma selle. C’est cette jeune Lorraine, assez forte pour commander des armées d’hommes, assez sage pour rabattre le caquet à de savants juristes et théologiens dont les noms ont été oubliés, assez courageuse pour endurer la si douloureuse passion qui couronna son engagement total.

Et puis, je m’interroge. Et si l’on parlait de la lutte pour les droits des chevaux, dont certains sont victimes actuellement d’ « équinicide » de la part de pervers écumant nos campagnes ? Ne méritent-ils pas eux aussi d’être honorés dans cette Normandie qui est leur terre d’élection ? Et mon sculpteur, Gabriel-Vital Dubray, ne m’a-t’il pas créé « non genré », s’il faut vraiment épouser les querelles sociétales à la mode ?

Comme chez le vétérinaire, une consultation est en cours. Sans doute le diagnostic corroborera la posologie déjà amorcée. Mon sort est scellé plus sûrement que mes jambes arrières à mon piédestal. Néanmoins, qu’il n’oublie pas, le rossignol ondoyant dans les courants d’air dominants, qu’être dans le vent est l’ambition d’une bien éphémère feuille morte.

 

C.N.O. - Vernon, le 26 septembre 2020

 

(1) Muscicapidé : petit passereau dont le type est le gobe-mouches. On range dans cette famille le rossignol. (d’après le Larousse)

 

 

 

 

 

 

 

 

 



La Rédaction