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Elections présidentielles, le vote des Normands

Vendredi 22 Avril 2022

​​Communiqué du Mouvement Normand - n°284 - 18 avril 2022



Le vote des Normands a cela de constant c’est qu’il est conservateur, et cela dans les deux sens du terme, le renvoi à l’analyse d’André Siegfried à ce sujet est encore d’une impressionnante actualité. Tout d’abord, les Normands n’aiment pas les aventures politiques, et donc n’aiment pas les nouveautés. Ensuite, les Normands votent assez couramment pour des partis d’ordre souvent à droite et au centre droit mais également pour un parti d’ordre comme feu le PCF. 
Cela étant écrit, les grands traits du vote des Normands lors de cette dernière présidentielle fait ressortir plusieurs points très clairement. 
Il faudra désormais faire, et penser, avec ces enseignements pour les prochaines échéances électorales. 

Comme l’a rappelé Philippe Cléris dans son analyse des scrutins :
« La Normandie est terre de France et ne saurait être fondamentalement autre chose au point de manquer totalement d'imagination en matière d'élection présidentielle, l'élection la plus nationale qui soit ».
Et en cela les résultats semblent bien confirmer ses écrits. 

Ainsi nous voyons clairement se dessiner plusieurs lignes de fractures de la société française, que nous retrouvons clairement chez les Normands. Ce premier tour de l’élection présidentielle est l’illustration d’un phénomène politique émergent, une fracture sociale et économique qui redéfinit le jeu politique. Désormais, il apparait une lutte entre un bloc élitaire et progressiste urbain, « le vote Macron est celui des vieux, des bourgeois de gauche et de droite » comme l’écrit le géographe Christophe Guilluy, et un bloc constitué des salariés, des employés et des ouvriers regroupés dans la ruralité périphérique des centres urbains (les votes Le Pen, et une partie des votes Mélenchon). Le bloc élitaire, comme l’analysent Jérôme Sainte-Marie et Christophe Guilluy, est très homogène et constitué de ceux qui gagnent plus de 3000 euros par mois individuellement, et les retraités dans une proportion importante, et qui résident pour leur majorité aussi dans les grands centres urbains. 
La Normandie n’a pas échappé à cette partition sociale et territoriale comme en témoignent les votes des grandes villes et ceux des campagnes. 

Mais il faut également tenir compte d’une autre caractéristique de cette partition : l’âge. En effet, les électeurs du bloc élitaire progressiste et urbain est clairement plus âgé que celui du bloc des ruralités périurbaines. 

Cette fracture de la société française, visible en Normandie, est le reflet d’intérêts très orientés par le pouvoir d’achat qui dicte en fait la vision de l’avenir soit radieux, pour ceux qui gagnent suffisamment, mais avec une crainte de manquer et de perdre ce privilège financier, soit plus sombre pour ceux qui ne gagnent plus suffisamment. Les deux votes sont donc guidés par la peur, et la peur de manquer, pour les uns qui ont beaucoup, de venir à manquer, pour les autres qui sont en train de tout perdre, de continuer à perdre. Cela met en avant un phénomène de séparation en deux populations ou l’écart entre les revenus se creusent rapidement, et durement. Nous voyons se mettre en place une paupérisation réelle d’une part importante de la population. Hervé Morin ne s’y est pas trompé :
« Six votes sur dix sont des votes d’extrême droite ou d’extrême gauche. Cela montre le délabrement dans lequel nous sommes. C’est un vote Gilets jaunes qui s’est exprimé ». 

L’échec des vieux partis de droite et de gauche, dont les programmes sont vidés de toute référence politique claire, est également le résultat de cette nouvelle partition électorale du pays. Ils sont devenus aussi inutiles qu’anachroniques aux yeux des citoyens. 
Nous pouvons voir aussi que même des chroniqueurs ayant une grande expérience de la matière normande peinent à analyser ces bouleversements, comme le montre l’analyse de Bertrand Tierce de Chroniques de Normandie (n°744, avril 2022). 
Bien sûr, deux autres votes sont intéressants du fait de leur part de l’électorat, les votes Mélenchon et Zemmour. Le premier est en fait un agrégat d’un vote communiste de conviction, d’un vote de contestation assez corporatiste et utile d’une partie de la fonction publique (face à la politique du président sortant), d’un vote communautaire d’une partie des citoyens issus d’une immigration subméditerranéenne et d’un vote non négligeable de ce fameux bloc des ruralités périurbaines. Et là encore, les Normands ont voté comme la moyenne des Français. 
Enfin, le vote Zemmour n’a attiré que 5,5% des électeurs normands, ce qui est une différence notable de la moyenne des Français. Pour analyser les résultats du vote pour Éric Zemmour en Normandie il faut garder en tête le fameux conservatisme électoral des Normands. Ce candidat et son parti sont trop récents pour les citoyens normands. Alors que le programme est clairement issu de la ligne historique de la droite conservatrice française depuis 1945, donc plutôt un vote assez favorable en Normandie, il n’est que de se souvenir des scores du RPF ou du RPR. 

Et que dire enfin de l’évolution des résultats nationaux entre 2017 et 2022 ? L’analyse du vote normand doit aussi tenir compte de ces évolutions nationales. Et pour tenir compte de cette perspective nous nous appuierons sur l’excellente analyse d’Aristide Renou. 
  • En 2017, Emmanuel Macron a obtenu 8,66 millions de voix, soit 19,55% des inscrits. En 2022 Macron a obtenu 9,7 millions d’électeurs (+12,01%) soit 19,9% des inscrits. Toutefois, l’honnêteté intellectuelle force à faire remarquer que le corps électoral n’est pas le même en 2022 qu’en 2017, puisque nous sommes passés de 44 millions d’inscrits à 48,7 millions. Il apparait donc que, entre 2017 et 2022, Emmanuel Macron a augmenté sa part électorale de 0,79%
  • Marine Le Pen qui, en 2017, a rassemblé sur nom 7,68 millions de voix au premier tour. En 2022 elle a été choisie par 8,1 millions d’électeurs, ce qui nous fait une progression de +5,47%. Mais en tenant compte de l’augmentation du nombre des inscrits, ce qui signifie que, en 2017, MLP avait séduit 17,44% des inscrits mais qu’en 2022, sa part électorale n’était plus que de 16,63% des inscrits, soit une baisse 4,64% en cinq ans
  • Jean-Luc Mélenchon, en 2017, a obtenu 7,059 millions de voix soit 16,04% des inscrits. Cette année, 7,7 millions de voix (+9,08%) soit 15,82% des inscrits, soit une diminution modeste de 1,37%, toujours en tenant compte de l’augmentation du nombre des inscrits. 
Autrement dit, relativement à ses deux principaux concurrents, MLP apparait en plus mauvaise position qu’il y a cinq ans. 
Néanmoins, cela confirme cette tendance à une partition nouvelle, et une répartition nouvelle des électeurs. 

Cette nouvelle fracture de la société française, à laquelle la Normandie n’échappe pas, est inquiétante car elle se fonde sur une peur du manque, dans ses deux principaux blocs, et du déclassement social et économique. Nous passons d’oppositions politiques sur des thèmes politiques, philosophiques, à une fragmentation sociale dictée par des réalités économiques.
Nous assistons bien à une recomposition du politique poussé par la réalité. 

Emmanuel Mauger, président du Mouvement Normand

Elections présidentielles, le vote des Normands
La commission exécutive du Mouvement Normand
Mouvement normand
BP06 – 27290 Pont-Authou
mouvement.normand@wanadoo.fr
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La Rédaction